La rénovation du Grand Foyer de l'Opéra de Paris, réalisé il y a 20 ans demeure sans aucun doute le projet qui laisse au sein de nos ateliers, le souvenir le plus impérissable car il s'agissait là d'une renaissance. À partir des dessins originaux de l'architecte Charles Garnier, nos équipes de tapissières en décors et de tapissiers villiers ont travaillé de concert, pour restituer les prestigieuses tentures et les décors à l’italienne qui participent aujourd’hui à l'émerveillement des visiteurs de ce monument historique du Second Empire.
Nos ateliers qui avaient participé précédemment à la reproduction à l’identique de l’ensemble des fauteuils de l’orchestre, des balcons et des loges ; avant de réaliser de nouveau depuis 4 ans les tentures murales et les rideaux décors des loges dont la loge de l’Empereur ; avaient été retenus en 2004, sur appel d’offres public, pour réaliser les grands rideaux décors du Grand Foyer à l’identique de ceux réalisés à l’origine par Charles Garnier, disparus dans un incendie en 1921. Notre candidature s'est démarquée grâce à notre savoir-faire dans le dessin, la mise au point et la réalisation de décors d’envergures mais aussi à notre renommée établie dans la conduite exemplaire de projets d'exception. Nous avons également particulièrement mis en avant notre volonté de collaborer étroitement avec l'architecte en Chef des Monuments historiques de l’époque, Alain-Charles Perrot.
Pour cela, nous avions en amont de la réalisation, effectué des recherches et nous nous sommes assurés de la bonne compréhension des archives, des planches de dessins et des plans d'exécution afin de pouvoir reproduire exactement à l'identique ces décors d'exception pensés à l’époque par Charles Garnier. La mise à disposition de nos ateliers à Lyon pour les essais grandeur nature et la validation des décors avant leur expédition sur site était un réel atout. Enfin, l’expertise de nos tapissiers villiers, capables de réaliser l'installation dans les délais serrés imposés par la Maîtrise d'Ouvrage et la Maîtrise d'Oeuvre, ont également été des éléments déterminants dans la sélection de notre candidature.
Dans les années 80, la célèbre Maison de soierie Lyonnaise Prelle entame des recherches qui aboutissent près d'une décennie plus tard à une découverte majeure : “Charles Garnier, avait en réalité commandé les étoffes chez Belloir et Vazelle, tapissier du XIX. Ce dernier, à son tour, avait fait confiance à Prelle. Bien que les archives de Prelle et de l'Opéra ne mentionnaient aucune commande, un lien indirect a pu être établi. Cela a permis de retrouver le dessin original réalisé par Eugène Prelle, choisi par Garnier parmi d'autres propositions, ainsi que les nuances de couleur d'origine et les détails des métrages commandés. D'autres dessins destinés à l'opéra ont également été retrouvés, notamment pour les lambrequins et les étoffes des loges, aidant ainsi considérablement à la reconstitution des décors d'origine. Alors qu'au XIXe siècle ces brocatelles avaient été tissées au métier à bras, en soie et lin, aujourd'hui, pour des raisons de normes de sécurité, elles ont été reproduites avec des polyesters non feu, certains fils nécessaires à une reproduction fidèle ayant été trouvés au Japon.” nous raconte Guillaume Verzier, PDG de la célèbre Maison Prelle.
Les passementeries étaient quant à elles retissées par des artisans de la très prestigieuse Maison Declercq. “Suite à la demande d’Alain Charles Perrot, nous avons réalisé un dessin en s’inspirant de l’esprit de Charles Garnier. Très particulièrement en exagérant les formes et les volumes afin de donner du contraste entre les différents éléments composant la passementerie. Puis nous avons accordé nos couleurs à celles du tissu choisi. Ces passementeries ont été réalisées dans nos ateliers de Montreuil-aux-Lions.” nous confie Jérome Declercq.
Un ensemble impressionnant de 340 quilles et 600 bouffettes ont été confectionnés pour les lambrequins, tandis que pour les rideaux, le total s'élève à 2500 quilles, 5000 bouffettes et 40 embrasses à jasmin. Ces réalisations représentent 500 kg de matière, façonnés au cours de 20 000 heures de travail méticuleux.
C'est ainsi, que nos équipes se sont attelées à la confection de ces décors très complexes dits "à l'Italienne" dont la subtilité de la coupe et de l'assemblage se doit d'être invisible à l'œil nu. Un travail titanesque sur des rideaux de 60 kg chacun, qui auront représenté 700 heures de confection à partir de 620 ml de brocatelle de soie, 190 ml de damas de soie et 190 ml d'imberline, le tout agrémenté de franges de passementeries à quilles de soie, haute de 25 cm et d'embrasses à glands de 60 cm, également en soie et entièrement réalisée à la main.
« Les équipes étaient galvanisées. Il s'agissait d'un véritable défi, en premier lieu au regard des dimensions extrêmement monumentales de cette salle », racontait Charles Jouffre.
En Mai 2004, les prestigieux décors, imaginés par Charles Garnier, à l’époque seront réinstallés par nos ateliers dans le Grand Foyer de l'Opéra Garnier, long de 54 mètres, large de 13 mètres et haut de 18 mètres. Cette réalisation était et demeure encore aujourd’hui pour notre manufacture une vraie consécration. Il s'agissait de reproduire un ensemble de décors uniques et inouïs, tant par leur qualité que par leurs dimensions, au cœur d'un lieu magique : Le Grand Foyer, cadre sublime dont le faste était reconnu à travers le monde entier.