Pour notre troisième épisode de “Parole de Designer”, nous sommes fiers de vous faire découvrir aujourd’hui les portraits de Marc-Antoine Biehler et d’Amaury Graveleine, fondateurs du studio Biehler-Graveleine.
Lauréats du “Prix Visual Merchandising” et du “Prix du Public” en 2021 lors de la Design Parade Toulon, les deux jeunes architectes d'Intérieur œuvrent pour des projets résidentiels, des restaurants, des hôtels, des galeries d'art mais aussi pour des Maisons de luxe. À l’occasion de la Paris Design Week 2023, le duo s’est associé à la Maison Lesage Intérieurs représentée par le 19M, The Invisible Collection, et nos ateliers tapissiers pour dévoiler leur première collection de mobilier chez Féau Boiseries.
Bonjour Marc-Antoine, bonjour Amaury, merci de nous accorder un entretien pour notre série “Parole de Designer”. Comment allez-vous aujourd'hui ?
Marc-Antoine : “Bonjour à tous les deux, nous allons très bien et nous sommes très heureux d’avoir réalisé ce projet tous ensemble. Nous sommes encore un peu dans le vif du sujet (cf Paris Design Week 2023), nous avons eu énormément de très bons retours et c’est très gratifiant. Nous allons donc très bien !”
Pouvons-nous commencer cette interview par un bref retour en arrière, en revenant sur vos différents parcours ?
Marc-Antoine : “Je suis architecte d’intérieur et designer. Diplômé de l’École Camondo en 2018. Pendant mes études j’ai effectué différents stages dans plusieurs entreprises. Mon premier stage chez Lalique, puis chez Tristan Auer où j'ai rencontré Amaury, et enfin mon stage de fin d’études chez Bureau Betak à New York. Ensuite, je suis rentré en France et j’ai travaillé chez Luis Laplace pendant 3 ans en tant qu'architecte d’intérieur principalement pour de très beaux projets notamment pour des résidences privées de collectionneurs d’art. Ce fut l’occasion de travailler sur des réalisations très créatives où j’ai pu apprendre sur la culture générale du métier, l’histoire du design et de l’architecture. Cette expérience a été très enrichissante et déterminante dans mon parcours. Aujourd’hui, pour nos réalisations, nous nous servons toujours de ces connaissances que nous avons acquises.
Amaury : “Je suis issu de l’École Boulle et ai effectué toutes mes études dans cette école, depuis la seconde arts appliqués jusqu'au diplôme d’architecture d'intérieur. Puis j’ai enchaîné avec l’école d’architecture Paris-Malaquais qui se trouve aux Beaux-Arts de Paris. Par la suite, j’ai travaillé chez Tristan Auer en architecture d'intérieur où j’ai eu la chance inouïe de découvrir le métier d’architecte d'intérieur et d’ensemblier où tous les savoir-faire sont mis en corrélation pour se rencontrer. Cela peut aller de la céramiste en raku jusqu’au savoir-faire d’une laque sur un bois précieux, et donc de découvrir toutes ces matières dont je n’avais pas forcément conscience et qui permettent une diversité de rendus et d’ambiances. Puis j’ai travaillé chez Fabrizio Casiraghi et chez Christophe Delcourt, enfin je suis revenu chez Tristan Auer en tant que Chef de Projet. Toutes ces expériences ont surtout été pour des projets résidentiels, de l’hôtellerie.”
Qu'est-ce qui vous a motivé à endosser le rôle de designers et à lancer aujourd'hui votre première collection de mobilier ?
Marc Antoine : “Cela est venu assez naturellement. Nous nous ancrons dans la continuité des ensembliers qui travaillaient l’architecture et l’espace jusqu’aux détails, comme par exemple le dessin des poignées de porte. C’est une vision à laquelle nous tenons profondément dans notre travail : de l’enveloppe jusqu’aux détails pour offrir un projet dans sa globalité, une œuvre totale.
Pour cette collaboration avec Lesage Intérieurs, l’occasion de présenter la broderie mise en scène et contextualisée sur du mobilier nous paraissait être la plus évidente. C’est une manière d’inviter les visiteurs à se projeter en apposant de la broderie dans leurs intérieurs.”
Quel rapport entretenez-vous avec les ateliers et les artisans d’art ?
Amaury : “Les architectes ont souvent tendance à être perçus comme des chefs d’orchestre qui synthétisent les idées, les savoir-faire pour créer un projet global, un lieu de vie. A notre sens, il est important de renverser ce principe, et d’intégrer les différents savoir-faire artisanaux dès le début du processus de création. Ainsi, nous essayons d’instaurer un dialogue continue et un échange avec chaque artiste et artisan afin de comprendre et connaître leurs possibilités de créations. Tenter de pousser leurs limites et offrir ainsi des pièces mobiliers et des espaces à vivre agréables et humains. Tous les projets que nous réalisons vont dans cette direction. Et c’est notamment ce qui a été mis en place avec vos Ateliers pour la réalisation du fauteuil et de l’ottoman. Un dialogue constant, où chacune de vos suggestions et propositions techniques ont permis d’améliorer le confort et la qualité des pièces.”
Comment est née l’idée d’une collaboration avec des maisons artisanales comme la Maison Lesage Intérieurs, nos ateliers mais aussi avec la célèbre galerie The Invisible Collection ?
Marc-Antoine : “Pour revenir à l’origine du projet, nous avons participé au concours de la Design Parade Toulon en 2021, organisée par la Villa Noailles où nous avons été lauréats de deux prix: le Prix du Public ainsi que le Prix Visual Merchandising de Chanel. Ce dernier nous offrait l’opportunité de revenir l’année suivante pour réaliser un nouveau projet au sein de l’ancien évêché de Toulon accompagnés d’une des Maisons d’Art de Chanel. Nous avions alors travaillé avec Lesage Intérieurs sur le projet intitulé «Madame Cristal» autour du thème du Tarot de Marseille. Une broderie gigantesque apposée sur un paravent et une méridienne bleus. Suite à ce projet nous avons lié des liens d’amitié avec la Maison Lesage Intérieurs. Ils nous ont alors proposé de collaborer ensemble pour dessiner une collection de broderies sur le thème du Folklore. Nous avons eu accès à leurs archives et avons eu la chance de pouvoir échanger sur ce patrimoine ainsi que leurs techniques de broderie. Nous avons par la suite rencontré Isabelle Dubern, co fondatrice de The Invisible Collection qui travaillait déjà avec la Maison Lesage Intérieurs. Lors de cette rencontre nous avions évoqué l’envie de mettre en scène l’une des typologies de broderie que nous dessinions sur deux pièces de mobiliers. Isabelle nous a tout de suite suivi et offert l’occasion de collaborer sur ce projet, à présenter lors de la Paris Design Week. Puis les Ateliers Jouffre sont arrivés dans l’aventure, nous connaissions la réputation de vos ateliers et savions que la Maison Lesage Intérieurs avait déjà collaborer avec vous. Nous connaissions alors votre expertise et votre exigence tant au niveau du confort que dans l’approche de la réalisation de vos pièces. Nous voulions donc nous tourner vers les meilleurs. Nous avons rencontré Romain Jouffre puis Gabrielle accompagnée par vos équipes avec qui nous avons tout de suite senti une passion commune. Tout le monde a été excité par le projet et a voulu nous accompagner dans cette aventure qu’est la Paris Design Week.”
Quels étaient vos souhaits et vos attentes pour cette première collection ?
Amaury : “Se tourner vers les Ateliers Jouffre, c’est l’opportunité de travailler avec l’une des plus belles maisons de Tapisserie en France.
Vous collaborez avec Pierre Yovanovitch, Raphaël Navot et d’autres designers, qui sont pour nous des références dans l’innovation et la création. C’est une démonstration de votre exigence et de votre savoir-faire d’excellence.
Pour cette première collaboration, nous avions plusieurs attentes : D’abord c’est le rapport très humain. Vos ateliers sont situés en France, à Lyon. Ils sont accessibles et le dialogue avec tous les membres des ateliers est tellement facile et agréable. Ensuite, c’est votre capacité à relever les défis, en réalisant des créations aux formes complexes, voire inouïes. Votre technicité et votre rigueur, permettent d’être constamment attentif aux gestes et à chaque détail.
Et enfin, comme nous l’évoquions, vous avez aussi la volonté de proposer des améliorations dans le dessin, dans les finitions, dans le confort, afin que les pièces que vous réalisez soient pleinement satisfaisantes et réussies, sous tous leurs aspects. Vous offrez une réalisation au-delà de nos espérances et nous vous en remercions.”
Maintenant que l’ottoman et le fauteuil sont terminés, pourriez-vous nous les présenter et nous livrer vos premières impressions ?
Marc-Antoine : “Le Fauteuil et l’Ottoman «Collins» font partie d’une collection que nous souhaiterions poursuivre en développant un canapé, des poufs et tables basses pour compléter cet ensemble. Le fauteuil a un aspect droit, moderniste inspiré du début du 20e siècle. Ses formes sont plutôt «classiques» enveloppant le corps et offrant un confort d’assise exceptionnel. Le fauteuil est pensé comme trois couches successives, avec une enveloppe entièrement brodée, un accotoir rembourré recouvert de tissus puis une dernière épaisseur de coussins épousant le corps. Il y a également le travail du bois qui vient cerner les broderies et se développe en pourtour du fauteuil pour devenir piètement, se distinguant par un jeu de joint creux. Pour l’Ottoman il s’agit du même principe enveloppé de la bordure brodée et cernée de bois ainsi que le travail du piètement avec le joint creux. Enfin le nom «Collins» fait référence aux fumoirs, bibliothèques où l’on s’imagine avec un verre à la main dans un esprit feutré. Ce nom rappelle le nom des verres à whisky et fait clin d'œil aux clubs privés.”
Amaury : “Le fauteuil se présente sous le jeu d’un contraste. Un extérieur très décoré et à l’inverse, un intérieur qui se révèle minimaliste et épuré. C’est l’idée de se sentir pleinement protégé dans ce fauteuil, un espace intime, appropriable. Ce qui nous importait était que ce fauteuil soit une base naissante, ayant velléité de pouvoir être varié en tissus, teintes de bois, broderies, selon les envies et les utilisations de chacun.”
Nous tenons à adresser nos sincères remerciements à Amaury et à Marc-Antoine pour le temps précieux qu'ils nous ont accordé lors de cette interview. Leur gentillesse, alliée à une très belle humilité, a rendu cet échange particulièrement enrichissant et plaisant.
Photos © Amaury Laparra