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11/02/2025

Parole de designers, RoWin Atelier


Dans ce septième épisode de “Parole de Designers”, nous vous dévoilons avec fierté le portrait de Frédéric et Hervé, les deux talentueux designers derrière RoWin’atelier. Portés par une vision transversale de l’espace, RoWin’atelier explore la matière, la lumière et la relation intime entre les objets et leur environnement. Notre dernière collaboration, le sofa C O N Q, illustre parfaitement l’excellence du geste et la quête d’un luxe discret, où chaque détail raconte une histoire.

Pour débuter cet échange, pourriez-vous nous offrir un petit retour en arrière en nous parlant de votre parcours ?

RoWin’atelier est né d’une approche transversale entre architecture, design et artisanat d’art. Notre parcours s’est construit autour d’une volonté d’explorer l’espace dans toutes ses dimensions, en considérant autant l’échelle de l’architecture que celle du mobilier. Nous avons toujours eu un intérêt marqué pour la matérialité, la relation entre le volume, la lumière et la manière dont les objets s’intègrent dans un environnement. Nos expériences passées nous ont permis de collaborer avec des maîtres artisans, fondeurs, ébénistes et tapissiers, ce qui a nourri une démarche où l’exigence du détail et la qualité d’exécution sont primordiales.

En tant qu’architecte, est-il fréquent pour vous de concevoir des meubles, et en particulier des canapés ?

Notre pratique de l’architecture nous amène naturellement à concevoir du mobilier. Nous considérons qu’un projet ne s’arrête pas aux murs, mais s’étend à tout ce qui compose un espace : l’agencement, le mobilier, les textures et les matériaux. Le Sofa Conq s’inscrit dans cette approche où chaque pièce de mobilier est pensée comme un élément architectural à part entière, une extension de l’espace qui dialogue avec son environnement. Concevoir un canapé est un exercice particulier car il doit conjuguer esthétique, confort et proportion, tout en offrant une présence sculpturale dans un intérieur.

Le nom de votre création, le Sofa Conq, a-t-il une signification particulière ou une symbolique qui vous tient à cœur ?

Toutes nos créations portent des noms à quatre lettres, formant ainsi des tétragrammes. Ce choix est une signature qui traverse notre travail, et ces noms peuvent être liés soit à la forme de l’objet, soit à une référence au premier commanditaire pour lequel il a été conçu. Dans le cas du Sofa Conq, son nom fait directement écho à la forme des inserts en bronze qui structurent la pièce.

Ce jeu entre la matérialité et l’identité de l’objet reflète notre approche, où chaque création porte en elle une résonance visuelle et symbolique. Visuellement, il se traduit par des lignes courbes qui se rejoignent en des points de tension maîtrisés, une structure qui repose sur une base forte et affirmée, tout en conservant un sentiment de fluidité dans la forme. Il évoque aussi une certaine puissance et une présence sculpturale, tout en invitant à l’assise et au confort.

Pouvez-vous nous raconter l’origine de cette idée de canapé ? Quelles ont été vos inspirations pour concevoir ses formes uniques ?

L’inspiration derrière le fauteuil C O N Q plonge directement dans l’histoire des arts décoratifs du XXe siècle. Nous partons du principe que l’on ne crée pas ex nihilo, mais que toute création s’appuie sur un héritage artistique et culturel. Dans notre approche, l’histoire des arts décoratifs constitue un véritable abécédaire de formes, une sorte de boîte à outils qui nous permet de recomposer, d’interpréter et de réinventer des univers stylistiques.

Pour ce fauteuil en particulier, nous avons puisé dans plusieurs références majeures comme Jean Royère et son mythique Ours Polaire, pour ses lignes enveloppantes et organiques, Pierre Paulin, dont l’incroyable créativité a su allier audace et confort, Vladimir Kagan ou encore Gio Ponti, figures emblématiques du design international, qui ont influencé la relation entre formes sculpturales et fonctionnalité.

Au-delà des références esthétiques, le confort a été une priorité absolue. Nous avons finalisé ce fauteuil en réalité virtuelle, afin d’optimiser chaque courbe et chaque inclinaison pour garantir une expérience d’assise parfaite. Un canapé, aussi exclusif soit-il, doit avant tout être fonctionnel. La courbure des accoudoirs, la forme du dossier et le maintien de la tête ont été travaillés dans une recherche d’équilibre entre design et ergonomie, pour offrir une véritable invitation à la détente.

Avec des inserts en bronze et un revêtement en velours d’alpaga, on perçoit une attention particulière portée aux matières. Quelle est l’origine de cette démarche ?

La matérialité est au cœur de notre démarche. Nous pensons qu’un meuble ne se vit pas uniquement
par sa forme, mais aussi par le toucher, la lumière qu’il capte, et la manière dont il dialogue avec l’espace. Nous avons cherché à équilibrer ces éléments pour créer une pièce où l’excellence des savoir-faire artisanaux se mêle à une approche contemporaine du design.

De manière générale, faites-vous régulièrement appel à des artisans dans votre travail ? Est-ce que c’est un aspect que vous appréciez particulièrement ?

Oui, l’artisanat est fondamental dans notre approche. Nous travaillons régulièrement avec ébénistes, fondeurs, tapissiers et ferronniers d’art. L’échange avec ces artisans est essentiel, car chaque matériau impose ses contraintes et son intelligence propre. Nous aimons cette collaboration, car elle permet de repousser les limites des savoir-faire traditionnels tout en les intégrant dans une lecture contemporaine du design et de l’architecture. L’artisan apporte une richesse technique et un regard précieux sur les détails qui font la singularité d’un objet.

Avez-vous déjà en tête de nouveaux projets de mobilier pour l’année 2025 ?

Oui, plusieurs projets sont en préparation pour 2025, toujours dans une approche où l’excellence artisanale est au cœur du processus. Nous travaillons actuellement sur un projet de design de chaussures sur-mesure brodées avec la Maison Felger, une maison d’exception dont le savoir-faire rejoint notre vision du travail sur la matière et le détail. Nous développons également une collection de luminaires en collaboration avec Véronese, une maison emblématique du travail du verre soufflé.

Par ailleurs, nous envisageons de nouvelles lignes d’assises et des pièces de mobilier, selon le temps dont nous disposerons pour les mener à bien. Le temps est un facteur essentiel dans notre pratique. Il donne non seulement une valeur sociétale aux objets, mais il est aussi indissociable de la recherche du très beau, du très précis, du très bien fini—et c’est là, selon nous, que réside le véritable luxe. Un luxe qui ne se mesure pas à l’opulence, mais à l’excellence du geste, à la justesse des proportions et à la profondeur des matières, travaillées avec le temps qu’elles exigent.

Enfin, pourriez-vous nous partager un moment clé de votre carrière qui vous a particulièrement marqué ?

Depuis que nous nous sommes lancés dans la création d’art décoratif, plusieurs moments forts ont marqué notre parcours. L’un des plus significatifs a été en 2017, lorsque nous avons présenté, aux côtés de notre galeriste et éditeur de l’époque, Alexandre Guillemain, notre première collection au PAD Paris. Cette année-là, nous avons eu l’honneur de remporter le Prix du Design Contemporain.

Dit comme cela, cela peut sembler être un prix parmi d’autres dans une foire d’art, mais ce qui nous a profondément touchés, c’est que cette récompense nous a été attribuée par nos pairs : Pierre Yovanovitch, India Mahdavi, Vincent Darré, Sarah Poniatowski Lavoine, Marta Sala, et bien d’autres figures emblématiques du design et de la décoration. Que l’on le veuille ou non, cette reconnaissance a une valeur inestimable à nos yeux, bien au-delà de la visibilité ou de la notoriété qui ont pu en découler.

Un autre moment clé aura été notre collaboration avec l’équipe de France du Bocuse d’Or en 2018, où nous avons eu l’opportunité d’être les designers officiels. Ce fut une plongée vertigineuse dans l’univers de la très haute gastronomie, une expérience intense où nous avons côtoyé des Grands Chefs, partagé leur rigueur, leur créativité et leur passion. Cette rencontre avec un monde où l’excellence et la précision sont absolues a été un régal pour nous.

Depuis cette aventure, nous avons fait nôtre cette exigence du détail et cette quête du parfait équilibre entre forme, matière et usage. Nous avons toujours été inspirés par des créateurs comme Cristóbal Balenciaga, autant dans la recherche des formes, le choix ou même la création de matières, que dans l’attitude qu’implique la création : rester humble, humain et discret, en laissant le travail parler de lui-même.

Cet échange avec RoWin’atelier nous a permis de plonger au cœur d’une vision où l’architecture, le design et l’artisanat d’art se rencontrent pour donner vie à des créations singulières. Leur regard sur la matière, la lumière et l’espace révèle une sensibilité rare, guidée par l’exigence du détail et la recherche d’un équilibre entre forme et fonction. À travers leurs mots, on perçoit une passion authentique pour le geste précis, la beauté discrète et la richesse des collaborations artisanales. Merci pour ce précieux moment de partage, qui représente pour nous une véritable source de reconnaissance et d’inspiration.

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